samedi 12 décembre 2009

Jamaa Lafna. Place publique pour une parole publique ou le territoire du mal-entendu.


La place Jamaa Lafna fût décrétée en 2000 « patrimoine orale mondial ». La richesse de la culture orale qui s’y déploie en cercles fut reconnue et défendue par Juan Goytissolo dans un article paru dans le Monde diplomatique.
L’oralité qui s’offre la place Jamaa Lafna comme lieu de performance et de spectacles et s’offre aux touristes, marocains ou étrangers, et aux passionnés de la halqa est par définition fragile, évanescente, se réalisant dans la performance même de l’acte hlayqi et n’existe pas en dehors même du cercle de l’énonciation et de la réception.
Elle puise dans l’exercice quotidien d’une improvisation réglée sur un socle culturel enraciné dont elle varie les motifs, le tissage, les mots… chaque jour au coucher du soleil.
L’oralité patrimonialisée ! Quelle fiction ! Quel malentendu ! La patrimonialisation serait-elle une pollution sacrée qui donne sa bénédiction aux manifestations immatérielles d’une société et en assure par, incantation, la pérennité ? A voir…
Malentendu au centre des interactions qui se déroulent sur la scène de Jamaa Lafna ; malentendu sur la nature de ce patrimoine oral et sur la culture populaire qui lui est associée ; malentendu sur les temporalités dont participe cette oralité.
Malentendu sur le rôle de cette place : Jamaa Lafna, lieu de la clochardiation culturelle aux temps de la mondialisation ? Cours des miracles de la modernité paradoxale et éprouvante du Maroc ? Lieu de spectacle, comme on parle de spectacle de rue en France ? Ou bien lieu privilégié de transmission, consciente ou inconsciente, d’une culture orale menacée d’extinction ? Lieu d’exercice patrimonialisant de quelques lettrés nostalgiques d’un temps révolu où les hlayqia ont nourri leur imaginaire de merveilleux ?
Ou bien Jamaa Lafna serait-il tout cela, agrégeant en mouvement collectif des intentions disjointes, conjoncturelles et individuelles vers cet objectif « noble » : transmettre et perpétuer oralement un patrimoine à dimension universelle ?
Par Abdelmajid Arrif
Source : http://mediamed.mmsh.univ-aix.fr/

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